Dupont C., Baudry A., Daire M.-Y., Barillé L., 2023 - Prémices inédites d’extraction de colorants pourpres sous influence méditerranéenne...
Dupont C., Baudry A., Daire M.-Y., Barillé L., 2023 - A technical adaptation? Shell dye extraction on the eve of the Roman conquest in Gaul (Hoedic Island, France). PALEO HORS-SÉRIE Colloque hommage à Émilie Campmas (1983-2019). Sociétés humaines et environnements dans la zone circumméditerranéenne du Pleistocène au début de l'Holocène. Millésime 2022. https://journals.openedition.org/paleo/8114
Résumé
L’utilisation du colorant
pourpre à partir de coquillages est une activité oubliée du littoral atlantique
français. Au-delà de cette amnésie, ce produit de luxe fut réservé aux élites
dans différentes parties du globe. Des milliards de murex et de pourpres ont
ainsi été massacrés afin d’extraire l’élixir de l’animal. Une équipe
transdisciplinaire composée de quatre chercheurs de deux laboratoires du CNRS
(Catherine Dupont, Marie-Yvane Daire et Anna Baudry, CReAAH, CNRS-Université de
Rennes-Inrap, Laurent Barillé, ISOMer, Nantes Université) revient sur les plus
anciens témoins de cette activité dans un article publié dans la revue PALEO.
Il propose un scénario inédit qui montre que cette activité est testée dès le
IIIe siècle avant notre ère sur la côte atlantique de la Gaule par des
Méditerranéens. Comment un savoir-faire a-t-il été adapté aux ressources
locales ? C’est ce que nous révèlent les coquilles issues de fouilles
archéologiques.
Figure 1: Localisation du site de Port-Blanc (CNRS Laurent Quesnel et
Catherine Dupont) et site archéologique en cours de fouille (CNRS Marie-Yvane
Daire).
Abstract
Islands are variously
interpreted either as areas closed in on themselves or open to different
horizons, depending on the point of view. Excavations at the Port-Blanc site, on
Hoedic Island, dated to the Iron Age, record both these aspects in the
northwest of France, from the Middle La Tène to the end of the Final La Tène.
They shed light on the evolution of this settlement, from its installation to
its abandonment. The inclusion of faunal remains from the outset of the
excavation allows to describe a varied exploitation of animals, including
mammals, fish, birds, crustaceans and marine molluscs. The latter are the
subject of this article.
The sampling protocol implemented at the time of excavation revealed a
rarely equalled diversity of marine invertebrates in archaeology along the
European Atlantic coast. This variety is linked to the multiple origins of these shellfish. The
malacofaunal spectrum of small species (< 10 mm), composed of juvenile to
adult individuals, points to aeolian transport with algae during storms for
some of them. Others were indeed processed by the occupants of Port-Blanc. Two
uses are highlighted: food and dyeing. The first implies the consumption of limpets,
followed by mussels, thick top shells and European clams. The second is the
exploitation of the dog whelk Nucella lapillus and the murex and oyster drill Ocenebra
erinaceus.
The proportions of these species vary along with the different phases of occupation
of Port-Blanc. The beginning of the occupation in the Middle La Tène indicates
an intentional exploitation of the low foreshore levels by the presence of
the Ocenebra erinaceus. This species identified at Port-Blanc is the French Atlantic murex,
which is most similar in appearance to the flagship species of Mediterranean
purple dye production: Hexaplex trunculus. We thus postulate a possible technical
transfer of this high added value activity via Mediterranean influences. This
scenario is compared to other archaeological and historical data. In the Late
La Tène period, dye extraction was transferred to another species, the dog
whelk. Using biometric data and fragmentation data for species used for dyeing,
we describe the different stages of exploitation, from collection to
abandonment in the Port-Blanc dumping areas.
Figure 2 : Concentration de pourpres en cours de fouille (Inrap Anna Baudry).
La biodiversité passée
peut-être approchée en archéologie par le filtre des exploitations humaines.
Plus de 70 espèces d’invertébrés marins comprenant des mollusques et des
crustacés ont ainsi été découverts sur le site gaulois de Port-Blanc localisé
sur l’île d’Hoedic au Nord-Ouest de la France. Cette diversité observée grâce à
des méthodes de fouille adaptées est liée à la multiplicité des pratiques
auxquelles ces ressources marines ont participé. Si leur utilisation
alimentaire est courante en contexte insulaire de la Préhistoire jusqu’à nos
jours, une autre activité a été mise en évidence dans une occupation humaine
qui s’étend du IIIe s. avant notre ère au Ier s. de notre
ère, celle de la production de colorant rouge, produit à haute valeur
symbolique de la dignité souveraine. Port-Blanc est ainsi l’un des plus anciens
sites archéologiques connus le long du littoral atlantique français qui atteste
de cette activité. Elle a été mise en évidence à Hoedic à partir de l’analyse
fine de la cassure systématique des mollusques qui possèdent ces propriétés
tinctoriales. Deux espèces en sont pourvues le murex Ocenebra erinaceus
et le pourpre Nucella lapillus. Les noms latins méritent d’être précisés
puisque les termes de murex et de pourpres se réfèrent à diverses espèces à
l’échelle du globe.
Figure 3 : Fragments de murex Ocenebra erinaceus et de pourpres Nucella
lapillus cassés pour extraire du colorant à Port Blanc (île d’Hoedic, Morbihan,
CNRS Catherine Dupont).
Si les Romains ont influencé
le développement de cette activité, Port-Blanc montre que les propriétés
tinctoriales étaient connues le long des côtes nord-ouest de la Gaule avant la
conquête romaine. C’est donc une donnée inédite qui est apportée par la
succession des occupations de ce site archéologique. L’activité qui consiste à
extraire du colorant des coquillages y a varié au cours du temps. Le début de
l’occupation, La Tène moyenne (IIIe s. avant notre ère), témoigne d’une
exploitation délibérée des bas niveaux de l’estran. Elle est mise en évidence
par la présence de mollusques qui sont inféodés à ces zones mais aussi à
plusieurs observations faites sur le murex Ocenebra erinaceus. En effet,
ce coquillage aux propriétés tinctoriales a volontairement été exploité par les
populations humaines. Ses proportions par rapport aux autres espèces en
attestent ainsi que la taille des individus exploités qui vont des adultes aux
juvéniles. La difficulté temporelle d’accessibilité de son biotope par la
nécessité de grands coefficients de marée est un marqueur fort d’une recherche
choisie de ce gastéropode. L’espèce de murex identifiée à Port-Blanc Ocenebra
erinaceus est présente en Atlantique français. Elle s’apparente, par son
aspect, au mollusque phare de la production de colorant pourpre en Méditerranée
: l’Hexaplex trunculus. L’hypothèse est posée d’un possible transfert
technique de cette activité à haute valeur ajoutée via des influences
méditerranéennes par mimétisme sur une espèce de forme apparentée. Quelques
décennies plus tard, à La Tène finale, l’extraction de colorant est transférée
sur une autre espèce, le pourpre Nucella lapillus. Les données biométriques
et la fragmentation des espèces tinctoriales permettent de décrire les étapes
de leur exploitation, de leur collecte à leur abandon dans les zones de rejets
de Port-Blanc.
Plusieurs hypothèses peuvent
expliquer l’utilisation d’un coquillage d’apparence proche morphologiquement de
celui exploité en Méditerranée. La circulation de coquilles ou de sa
représentations (dessins par exemple) ou encore celle de marchands ou
émissaires venus de Méditerranée sont des scenarii envisagés. L'hypothèse d'une
découverte locale n’est pas exclue mais elle n’est pas la plus logique du fait
de la plus grande accessibilité des Nucella lapillus par rapport aux Ocenebra
erinaceus. Le scénario de l'émissaire ou du marchand romain est probable,
car le commerce à longue distance de produits d'origine méditerranéenne existe
dès le début de l'âge du Fer par voies maritimes, comme en attestent notamment
les nombreuses amphores chargées de vin qui jalonnent le littoral Atlantique.
Si l'on regarde de plus près
la situation en Méditerranée, les preuves actuellement disponibles suggèrent
que la teinture pourpre a été produite dans la mer Égée et en Italie dès l'âge
du Bronze. Ainsi, la production de pourpre Atlantique peut avoir été stimulée
par des influences méditerranéennes antérieures à la conquête romaine
continentale. Nous ne savons pas si le produit final était une poudre ou un
liquide, et si la teinture était utilisée sur le site de Port-Blanc ou
exportée. Ce dernier scénario est plausible en raison de l'importance de la demande
de l’or pourpre dans le bassin méditerranéen.
Le site archéologique de
Port-Blanc nous apprend que, par rapport à d'autres marchandises transportées
par voie maritime à la même époque, c'est un savoir-faire qui semble avoir
voyagé du bassin méditerranéen vers le Nord-Ouest de la France. La pourpre, de
valeur inestimable, aurait pu circuler en retour de l’Atlantique vers le bassin
méditerranéen.
Figure 4 : Les pourpres sont collectés à marée basse sur les rochers
(CNRS Catherine Dupont).
#CatherineDupont
@CathMalaco
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Quand les
coquillages se mettent dans tous leurs états ! Les rencontres culturelles
du jeudi Collège inter-âges La Baule-Escoublac. 23 Mars 2023.
Résumé
Quand
on vous dit coquillages, à quoi pensez-vous ? Aux fruits de mer qui se
retrouvent dans vos menus aux périodes de fête ? Aux coquilles qui
s’échouent sur la plage et que vous mettez discrètement dans votre poche ?
Ces activités apparemment anodines ont existé dès la Préhistoire. Les fouilles
réalisées près du littoral et l’érosion marine n’ont de cesse de faire sortir
de terre des concentrations de coquilles et avec elles des activités oubliées
de notre passé.
Cette
conférence est un voyage dans le temps qui vous fera découvrir les multiples
facettes de ces animaux à coquille. Longtemps délaissés de l’archéologie, les
coquillages qui ont fait vivre nos populations côtières du littoral sont
découverts tout au long de la chronologie. Dès les temps les plus anciens, le
cerveau humain semble séparer ce qu’il mange de ce qu’il va utiliser à d’autres
fins qu’elles soient par exemple symboliques, esthétiques… Vous découvrirez
entre autres comment les populations préhistoriques ont utilisé les coquilles
comme parures ou outils, comment durant l’Antiquité, certains propriétaires
affichaient leur richesse en couvrant intégralement les murs d’une pièce de
leur villa de coquilles… Cet affichage d’un certain pouvoir économique nous
amènera jusque dans les jardins du château de Versailles, où au 17ème siècle
les coquilles marines aux reflets irisés aideront à l’édification des
fontaines.
Parmi
les utilisations oubliées de notre conscient collectif nous nous arrêterons sur
l’extraction de colorant à partir des pourpres Nucella lapillus et des murex
Ocenebra erinaceus de notre côte atlantique. Les bornes temporelles connues de
cette activité évoluent en fonction de nouvelles découvertes archéologiques qui
nous mèneront à moins de 20 km de La Baule.
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#CatherineDupont
@CathMalaco
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